Tensions et violences contre les soignants

Il n’est pas rare que les soignants aient affaire à des patients agressifs et d’autres accès de violence. Alors que les tensions et les théories du complot ont progressivement augmenté sur le sujet du vaccin et celui du pass sanitaire, des mouvements de violence, dans la rue et sur internet, explosent contre les soignants. Ce qui devrait être une guerre contre un virus, se transforme en guerre médiatique.

Anti-pass, complotisme et influence

L’un des exemples les plus récents de la montée des tensions est la tribune parue dans FranceSoir le 22 août 2021, titrée “Covid-19 (diagnostic, traitements, vaccin) : panorama d’une escroquerie”. La tribune, dont l’auteur est resté anonyme, soutien le Pr Raoult et son traitement à base d’hydroxychloroquine, profère des accusations et des menaces envers des médecins comme le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML-S), élabore des théories sur la base de publications Twitter, et compare dans un graphique le pass sanitaire à l’Apartheid. Autant de positions extrêmes qui appellent à la haine, et permettent à ceux ayant déjà des idées similaires de se justifier. La phrase de fin en particulier, “La Veuve s'impatiente.” fait directement référence à la guillotine. 

Selon le Dr Marty et le Dr Alexandre Samuel, professeur de mathématiques et de sciences, également visé dans la tribune, cette page aurait pu rester lettre morte si l’article n’avait  pas été retweeté par le Pr Didier Raoult à ses 841 000 abonnés. Ceux qui émettent des doutes sur la fiabilité des méthodes du Pr Raoult sont visés et menacés, parfois de mort. En témoigne le Dr Damien Barraud, praticien au CHR Metz-Thionville : “on veut me décapiter”. Il se déclare “très en colère contre la mauvaise science et tout ce qui va entraîner le complotisme”. Menacé également, le Dr Hervé Maisonneuve, auteur du blog “Rédaction médicale et scientifique” a essuyé des menaces et insultes de ses confrères après avoir analysé le premier article publié par l'équipe de l'IHU de Marseille.

Face à ces menaces, le collectif UFML-S a appelé début septembre les pouvoirs publics et les politiques à agir contre cette instrumentalisation. Il est également demandé à l'Ordre des médecins de poursuivre sur le plan disciplinaire des médecins comme le Pr Didier Raoult. 

Une autre démonstration de force a été faite par des manifestants anti-pass à Marseille le 4 septembre, après que François Cremieux, directeur général l’AP-HM, ait refusé de prolonger le Pr Didier Raoult à l’AP-HM, et a laissé entendre qu’il souhaitait qu’il quitte la direction de l’IHU Méditerranée Infections. C’est un homonyme du directeur général de l’AP-HM qui a vu déferler sur lui des menaces, des attaques verbales et des tags sur les murs de son domicile lors de cette manifestation. Si les manifestants se sont mépris sur la personne, l’escalade de la violence est bien présente. Invité la semaine dernière dans l’émission “Touche pas à mon poste”, le Pr Raoult avait eu des propos menaçants envers François Crémieux : “Je serais plus inquiet pour le DG si vous venez à Marseille, je serais plus inquiet pour lui que pour moi. Il devrait se calmer parce que les Marseillais… J'ai testé un quart de la population marseillaise à l'IHU. Ça laisse des traces.” Pointant ces agissements du doigt, ainsi que leur contexte dangereux, la FHF PACA demande à l’État d’intensifier son soutien aux établissements publics de santé.

Loin des plateaux TV, les médecins alertent sur le terrain

Ces actualités font écho à d’autres agressions, souvent moins mises en avant. Ainsi Jean-François Gerard-Varet, le Président du Conseil de l'ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté, tire la sonnette d’alarme : “C'est plus qu'un cri d'alerte, c'est une alarme extrêmement importante sur les comportements déviants de la société sur les professionnels de santé”. Eric Blondet, de l'URPS, Médecin libéral en Bourgogne-Franche-Comté, voit également les énervements et les gestes agressifs se multiplier. Pour lui “on sent qu'il y a une tension très nette qui est en train de monter”. Pour Romain Thevenoud de SOS Médecins à Dijon, “l'épidémie a exacerbé les tensions qui existaient déjà dans notre société. Le vivre-ensemble est de plus en plus compliqué. Tout le monde regarde l'autre avec défiance et on a de plus en plus de mal à communiquer.” 

L'ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté, et l’union régionale des professionnels de santé (URPS) ont appelé à la signalisation et à porter plainte systématiquement contre ces comportements dans un communiqué de presse. Dans ce communiqué ils dénoncent les propos du député Nicolas Dupont-Aignan : “le professeur Raoult a sauvé des vies en soignant précocement ses malades”, et “les autres ont des milliers de morts sur la conscience en les confinant chez eux avec du Doliprane alors qu’ils se pavanent dans les médias”. En effet, on peut craindre à juste titre que plus des personnalités politiques et médiatiques rejoindront ces positions extrêmes en leur donnant du poids, plus la sécurité des soignants sera fragilisée.

Claire Bléhaut

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Sources 

https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/covid-19-diagnostic-traiteme...

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/sante-publique/des-a...

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/a...

https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/conseil-national...

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-o...

https://www.datapressepremium.com/rmdiff/2010028/CPURPS.pdf 

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