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Santé et précarité : les conséquences hivernales du Covid

Postée le 23/11/2021

L’impact de la pandémie dépasse le cadre des soins de santé pour toucher également l’activité économique, l’emploi, les revenus, et la stabilité financière et sociale des français. Les plus fragiles sont ainsi en plus grande difficulté, et le cercle vicieux de mauvaises conditions économiques, de mauvaises conditions de vie, et de l’impact sur leur santé se resserre alors que l’hiver arrive.

Les plus précaires fragilisés

En septembre Médecins du Monde appelait déjà les pouvoirs publics à se concentrer sur  l’accès aux soins des personnes en grande précarité, notamment les sans domicile et les demandeurs d'asile. L’ONG a publié un rapport pour l’année 2020 de l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins. Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde s’exprimait : « Le virus met en exergue ce qu’on dit depuis 30 ans : on ne peut pas avoir une politique de santé publique cohérente sans un accès aux droits et à la santé. La crise sanitaire n’a fait que rendre visible la précarité (…) indigne pour un pays comme le nôtre. »

Les pouvoirs publics ont fait des efforts avec des dispositifs déployés : prolongement de la trêve hivernale, droits sociaux, accès à l’eau dans les bidonvilles, financement des démarches d’aller-vers, augmentation des capacités d’hébergement… Plus récemment, face à la hausse des prix de l’énergie, EDF a décidé de ne plus couper l’électricité pour impayés, quelle que soit la saison, été comme hiver. Marc Benayoun, directeur du pôle clients, services et territoires d’EDF s’est exprimé devant la presse : « Nous nous engageons à accompagner nos clients en situation d’impayés en mettant fin à la coupure d’alimentation en électricité. Il sera désormais systématiquement appliqué une limitation de puissance minimale garantie à 1 kilovoltampère (kVA, soit l’équivalent de 1 000 watts) tout au long de l’année. »  

Malgré ces efforts, selon Yannick Le Bihan, directeur des opérations France de MDM « pour ceux exclus des dispositifs, la précarité s’est amplifiée ». L’activité des équipes mobiles de MDM a triplé et l’ONG a adapté une partie de ses activités : Surveillance Covid, aide alimentaire... En Guyane la mise en place d’un confinement en mars 2020, alors que le virus ne circulait pas encore sur le territoire, a eu un fort « impact social en aggravant la précarité » selon Aude Trépont, coordinatrice de MDM.

Il faut également prendre en compte « un décalage dans le temps entre le moment où les personnes basculent dans la pauvreté et celui où elles poussent la porte des centres », selon Carine Rolland.

Le froid se fait sentir

La précarité énergétique est une autre facette de ce sujet qui fait parler d’elle en novembre 2021. Elle a de lourdes conséquences sur la santé : bronchites, asthmes et maladies non-respiratoires peuvent se multiplier, et fragilisent également la santé mentale. Alors que 20% de la population a eu froid en 2021 (12 millions de personnes) et que le prix de l’énergie augmente, 19 associations, dont la Fondation Abbé-Pierre, se sont mobilisées lors d’une journée nationale contre la précarité énergétique, mercredi 10 novembre 2021.

Le chercheur en santé publique, et Président de l’association Place des Sciences, Mickaël Ehrminger, explique : « Le froid a de nombreux effets sur l’organisme, notamment aux niveaux cardiovasculaire et respiratoire, car le corps tente de se réchauffer par lui-même en augmentant le métabolisme, mais aussi de réchauffer l’air qui pénètre par les narines avant qu’il n’arrive aux poumons, entraînant un assèchement des muqueuses nasales qui favorise l’entrée de certains pathogènes. » 

Pour lui, il n’y a pas de doute, le froid tue : « La précarité énergétique est très corrélée avec la mortalité hivernale. On remarque que dans les régions où les températures intérieures sont moins élevées et où l’efficience énergétique des logements est moindre, il y a plus de décès en hiver. » Il alerte également sur l’utilisation des chauffages d’appoints qui peuvent provoquer une pollution intérieure importante et être dangereux si utilisés de manière permanente. Le froid est également un facteur de risque pour la santé mentale puisqu’il fatigue, dégrade la qualité de sommeil, engendre du stress, et peut provoquer plus d’isolement social : si son logement est humide ou froid, on hésite à l' inviter chez soi. 

Pour le chercheur le constat est simple, la précarité tue : « De manière générale, la précarité énergétique est liée à la précarité et à un niveau de vie défavorisé, dont on sait qu’ils sont des déterminants sociaux majeurs de santé. On sait que les personnes défavorisées ont une espérance de vie en bonne santé inférieure de près de 10 ans par rapport aux personnes les plus favorisées. »

 

Claire Bléhaut

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1 :  https://www.medecinsdumonde.org/fr/actualites/publications/2021/09/09/ob...

2 :  Selon le baromètre annuel du Médiateur national de l’énergie https://www.energie-mediateur.fr/publication/2021-15eme-edition-du-barom...

 

Pour en savoir plus

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/sante-publique/lecon...

https://www.20minutes.fr/societe/3169891-20211110-froid-comment-precarit...

https://www.franceinter.fr/societe/temoignages-la-precarite-energetique-...

https://www.franceinter.fr/societe/12-millions-de-francais-concernes-la-...

https://www.20minutes.fr/societe/3168647-20211109-precarite-terreau-nouv...

https://www.affiches-parisiennes.com/lancement-d-un-dispositif-global-de...

 

Photo by Şahin Sezer Dinçer on Unsplash