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S’adapter aux jeunes médecins pour sauver la profession libérale

Postée le 27/11/2019

De plus en plus, les jeunes et futurs médecins choisissent de devenir salariés plutôt que de s’établir en profession libérale : seulement 12% d’entre eux s’installent en cabinet à la sortie de leurs études, et 35% le feront cinq ans plus tard. Selon une étude de la Drees, les effectifs de médecins libéraux devraient continuer de baisser au profit du salariat et ce, jusqu’en 2027. En revanche, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a mené une étude montrant que 75 % des internes en médecine affirment vouloir s’installer en libéral contre 19 % pour une activité salariée. Quelles sont les raisons de cet écart ?

L’exercice libéral : un territoire inconnu

Pour le Dr Élisabeth Gormand, Présidente de la commission des Jeunes médecins du Cnom, “l’exercice libéral, c’est l’inconnu pour des internes qui viennent de passer quasiment six ans à étudier et pratiquer en CHU.” Selon elle, il est évident que cette approche des territoires régionaux doit se faire bien plus tôt, durant la formation des médecins, avec un accompagnement par des maîtres de stage. 

Elle ajoute : “à l’image des étudiants des Grandes écoles qui choisissent bien souvent un stage dans l’espoir d’entamer leur début de carrière dans l’entreprise, les internes ont besoin, à l’issue de leur formation, d’un terrain qu’ils ont expérimenté, qu’ils connaissent et qui leur plaît. » Il n’est donc pas question de boucher les trous des déserts médicaux, mais bien d’en apprendre plus sur un terrain qui a ses propres spécificités.

Les jeunes médecins ont également des attentes, outre l’accompagnement par les pairs lors de l’installation, sur l’enseignement dédié au management et à la gestion, afin de sécuriser leur lancement dans le milieu libéral. En effet les aides financières pour leur installation ne font pas tout, et la peur de l’échec reste très présente.

Selon le Dr Bruno Boyer, Président de la commission Santé publique au sein du Cnom, la situation est même paradoxale : “ARS, territoire, Assurance maladie… : la diversité des sources d’aides à l’installation représente un véritable maquis qui peut finir par décourager.”

De plus, l’idée d’un contrat unique en la matière a été récemment appuyé par un rapport remis à la ministre des Solidarités et de la Santé. Le Dr Gormand estime que ce peut être une solution mais plus généralement, “il faut que tous les acteurs s’accordent sur les modalités simplifiées d’aide à l’installation.”

 

Une nouvelle façon d’exercer

Si plus de médecins s’établissent cinq ans après la fin de leurs études, c’est également qu’ils ont d’autres attentes. À un âge où certains fondent un foyer, il est nécessaire de trouver un territoire où son conjoint pourra trouver du travail, et offrant un cadre de vie confortable. Vivre à proximité des services publics et avoir un poste permettant de concilier vie professionnelle et vie personnelle, devient très recherché.

Les jeunes médecins sont également plus flexibles et il est impératif de s’y adapter. “De manière générale, les carrières ne sont plus monolithiques. La figure du médecin qui soigne une vie entière dans un lieu unique ne colle plus à la réalité des jeunes générations qui attendent un exercice varié,” souligne le Dr Boyer. 

Pour lui, “le médecin présent de 7 h 30 à 20 h 00 qui enchaîne sur une permanence de soins et vit dans la commune où il exerce, ce n’est plus la manière dont les praticiens envisagent leur métier. Il faut découpler le temps de présence médicale sur le territoire de la résidence familiale et de l’organisation de la permanence de soins médical.”

Il insiste également sur le besoin de faciliter et de sécuriser ce saut vers l’inconnu : “solder ses comptes de la CARMF, quitter l’exercice libéral pour aller vers le salariat… : tout cela est très compliqué sur le plan de la charge financière. De même, le poids administratif de l’exercice libéral fait peur aux hospitaliers. Il faut abattre ces cloisons pour tous ces gens qui, in fine, produisent du temps médical au bénéfice des patients et qui veulent plus de collégialité, de sécurité dans le travail, notamment en termes de protection sociale. »

 

Claire Bléhaut

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Sources :

“Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée”, Études & résultats, Drees, mai 2017. 

“Rapport relatif aux politiques d’aide à l’installation des jeunes médecins”, Sophie Augros, Déléguée nationale à l’accès aux soins, septembre 2019. 

“Le personnel et les difficultés de recrutement dans les Ehpad”, Mahel Bazin et Marianne Muller, Études et Résultats, n°1067, Drees, juin 2018.

Atlas de la démographie médicale en France, Cnom, 2018,

Enquête sur l’installation des jeunes médecins, commission Jeunes médecins, Cnom, avril 2019

 

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