Back to top

Ségur de la santé : une conclusion en demi-teinte

Postée le 01/08/2020

Promis par Emmanuel Macron au plus fort de la crise du Covid-19, ce plan a vu le jour après plus de six semaines de négociation entre les syndicats et le gouvernement. Signés le 13 juillet 2020, les accords salariaux du Ségur de la santé octroient plus de 8 milliards d'euros aux personnels hospitaliers. Par la suite, le 21 juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé a présenté les conclusions du Ségur sur la nouvelle gouvernance de l'hôpital.

Une concertation ambitieuse

Tirant son nom du de l’adresse même du ministère de la Santé et des Solidarités, avenue de Ségur, à Paris, le Ségur de la Santé est une concertation à grande échelle destinée à améliorer les conditions de travail et les rémunérations des personnels de l’hôpital, ainsi que la prise en charge des malades. Sont but était donc de présenter un plan, au mois de juillet 2020, pour ajuster le prochain budget de la sécurité sociale.

La concertation, ouverte le 25 mai 2020, s’est faite avec tous les acteurs de la santé : agences régionales de santé, assurance maladie, ordres professionnels, représentants des établissements et employeurs du secteur sanitaire et médico-social, syndicats hospitaliers, syndicats de praticiens et professions paramédicales libéraux, représentants des étudiants et jeunes médecins… Au total environ 1,8 million de professionnels sont concernés par ces accords.

Ce que prévoient les accords

Signés par une majorité d'organisations syndicales, les accords du Ségur de la santé sur les carrières, les métiers et les rémunérations octroient plus de 8 milliards d'euros aux personnels hospitaliers. Les deux accords sont de 7,6 milliards d’euros pour les métiers non-médicaux, et de 450 millions d’euros pour l’attractivté de l’hopital public pour les 100 000 médecins hospitaliers.

Les 7,6 milliards d’euros par an prévus pour la revalorisation de l’ensemble des métiers non-médicaux dans les établissements de santé seront répartis comme il suit :

  • une revalorisation des métiers avec 183 euros nets/mois pour tous les personnels hospitaliers paramédicaux (infirmiers, aides soignants...) et non médicaux (agents techniques, administratifs...) ;
  • une révision des grilles de salaire de l'ordre de 35 euros nets/mois pour certains métiers (aides-soignants et corps infirmiers notamment) ;
  • de nouvelles majorations pour les heures supplémentaires, le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés ;
  • la création de 15 000 postes afin de pourvoir les postes vacants mais aussi afin de mieux assurer les besoins en recrutements et en remplacements.

Les 450 millions d'euros/an pour les médecins concernent :

  • la revalorisation de l'indemnité de service public exclusif qui passera à 1 010 euros bruts/mois ;
  • et la création de trois échelons de fin de carrière de manière à les inciter à exercer durablement au sein de l'hôpital public (deux échelons de fin de grille de 5 000 euros et un troisième de 7 000 euros bruts annuels sur des durées de quatre ans).

De plus, les conclusions du Ségur sur la nouvelle gouvernance de l’hopital comprennent 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants. Les principales améliorations sont :

  • donner aux territoires les principaux leviers de l’investissement en santé ;
  • accélérer la sortie de la "T2A" (tarification à l’acte) et privilégier la qualité des soins ;
  • financer l’ouverture ou la réouverture de 4 000 lits à la demande ;
  • accélérer la transition écologique à l'hôpital ;
  • développer la télésanté sur tous les territoires ;
  • lutter contre les inégalités de santé.

 

Beaucoup reste à faire selon les professionels de la santé

Pour le premier ministre Jean Castex, en poste depuis le 3 juillet 2020, « Au-delà de la reconnaissance pour leurs actions dans la période passée et actuelle, il s’agit d’une forme de rattrapage par rapport à des années de retard où chacune et chacun, et peut-être moi-même, a sa part de responsabilité ». Selon lui c’est un « effort historique » de la nation à l’égard de ses soignants.

Certains soignants ne sont pourtant pas du même avis, et des milliers d’entre eux ont décidé de manifester dès le 14 juillet, notamment à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Paris, pour dénoncer d’importants manques dans ces accords. Ils ont répondu à l’appel de plusieurs syndicats et collectifs, dont la CGT, SUD, Solidaires, le Collectif inter-hôpitaux, suite à ces accords signés à Matignon avec plusieurs syndicats majoritaires (FO, CFDT, UNSA).

Pour eux ces mesures sont totalement insuffisantes, et ces moyens, une fois comparés à la réalité du terrain, ne seront pas suffisants pour le futur de l’hôpital. Pour Yann Duvinage, masseur-kinésithérapeute à l’hôpital de Saint-Maurice (Val-de-Marne), et élu CGT, « L’hôpital va continuer à se casser la figure, dénonce-t-il. Il n’y a rien dans le Ségur pour augmenter le nombre de lits : comment imaginer qu’on est prêts pour une seconde vague ? On va se retrouver avec le même bricolage si le Covid-19 repart, sauf que le monde hospitalier est à bout. » En effet s’il est prévu la création de 4 000 lits à la demande des établissements dès cet hiver, un nombre quasiment identique avait été supprimé en 2018 au nom de la « rationalité » budgétaire. Il rappelle, que les salaires de la fonction publique hospitalière sont gelés depuis une dizaine d’année : « Ce n’est pas à la hauteur, cela fait plus d’un an qu’on demande 300 euros, et ce n’est que justice, c’est un rattrapage ».

Le même jour, lors de la cérémonie du 14 Juillet sur la place de la Concorde, une banderole géante flottait au dessus du rassemblement, portée par des ballons. Y était inscrit : « Derrière les hommages, Macron asphyxie l’hôpital », alors que la cérémonie elle-même était placée par Emmanuel Macron sous le signe de l’hommage aux soignants.

Les sages femmes également ont montré leur déception : oubliées du Ségur de la santé, elles n’ont pas fait partie de la consultation ni des revalorisations. Pour l’Ordre des sages-femmes, cette « profession médicale sous un statut hybride dans la fonction publique hospitalière » a tout simplement été ignorée et est comme frappée « d’invisibilité ». « Non citées dans la revalorisation des professionnels paramédicaux et des médecins, elles sont encore victimes d’un statut qui ne leur reconnaît pas la pleine légitimité du statut médical ».

 

 

Claire Bléhaut

----------------------------

Sources :

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/15/segur-de-la-sante-de-l-argent-et-des-questions_6046245_3224.html

https://www.vie-publique.fr/en-bref/275139-segur-de-la-sante-accords-salariaux-et-gouvernance-de-lhopital

https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante-une-grande-concertation-avec-les-acteurs-du-systeme-de-sante/

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/14/on-ne-peut-pas-etre-satisfaits-du-segur-de-la-sante-plusieurs-milliers-de-manifestants-a-paris-pour-l-hopital-public_6046167_3224.html

https://www.huffingtonpost.fr/entry/sages-femmes-ignorees-par-segur-de-la-sante_fr_5f12a71cc5b619afc401ba2e

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/22/segur-de-la-sante-un-tournant-dans-la-politique-hospitaliere_6046939_3232.html