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Les EHPAD après la crise du COVID-19  

Postée le 01/07/2020

En juin 2020, près de la moitié des décès liés au Covid-19 depuis le début de la crise en France, étaient des résidents d’EHPAD. Durement touchés par l’épidémie, ces établissements ont vu et leurs faiblesses exposées au grand jour et le besoin urgent de transformer leur modèle se fait sentir.

Un modèle déstabilisé

Après plus de 13 000 victimes de la crise parmis leurs pensionnaires, les EHPAD vont devoir accélérer leur transformation.  Dans une note sur les “nouveaux défis des acteurs du grand âge”, le cabinet Xerfi, spécialiste en études sectorielles, déclare que la crise a été “meurtrière pour les plus fragiles”, “traumatisante pour les personnels et déstabilisante pour les structures d'accompagnement du grand âge”.

Pour Xerfi, cette crise a mis en lumière des dysfonctionnements et particulièrement un défaut de valorisation des prestations et des personnels : niveaux de salaires peu adaptés, et pénibilité amplifiée par les sous-effectifs et difficultés de recrutement. Actuellement, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale doit également chercher à identifier des « défaillances » dans la gestion de la pandémie.

Pour Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), il est bien sûr question de “se projeter dans un avenir plus éthique, plus humain” mais également de repenser un modèle économique face aux problèmes qui vont peser ou pèsent déjà sur les établissements. 

Un coût psychologique moins visible mais très sérieux

Les mesures sanitaires dans les EHPAD ont également eu des conséquences psychologiques profondes pour les pensionnaires. Jérôme Lefrançois, ex-généraliste, retraité après une trentaine d’années d’exercice, et reconverti dans la formation, a témoigné de son expérence personnelle sur cette situation pour le Quotidien du Médecin.

Pour lui ces “mesures drastiques d’enfermement et tous les interdits les accompagnant” ont empiré l’état déjà fragile de beaucoup de personnes âgés et plus encore pour les résidents atteints de certaines pathologies comme la maladie d’Alzheimer. Pas de visite, arrêt des activités, suppression des repas collectifs, isolement dans les chambres… Il estime que “l’isolement sensoriel, l’absence de contacts visuel et tactile, c’est la pire des tortures psychologiques” et que “tout ce qui a été mis en place favorise un syndrome de glissement qui les conduit vers la tombe !” 

S’il soutient bien évidemment les mesures de sécurité, il insiste sur le fait que les visites devaient être organisées et régulées plutôt que supprimées par “obsession de la réglementation”. Un collectif s’est également inquiété de la situation et a lancé une pétition “pour un déconfinement humain dans les maisons de retraite” et envoyé une lettre ouverte au président de la République et au ministre de la Santé. 

Du côté des soignants et des employés, le bilan est également sombre. Olivia Gayraud, coordinatrice des activités Médecins Sans Frontières en EHPAD, s’exprime : « Il y a eu beaucoup d’entraide entre les soignants, qu’ils soient médicaux ou paramédicaux, mais les renforts qui étaient indispensables au sein des EHPAD ne sont jamais arrivés. Par exemple dans l’un des établissements où nous avons travaillé, la demande de renfort auprès de la Réserve Sanitaire pour remplacer 14 professionnels de santé n’a finalement abouti que sur l’arrivée d’une infirmière supplémentaire. » Pour elle, les personnels des EHPAD ont été abandonnés au plus fort de la crise. Sans équipement de protection, sans renfort médical et paramédical, et avec des équipes en sous-effectif important, il était presque impossible de prévenir la transmission du virus au sein des personnels.

Quels axes d’améliorations ?

Plusieurs possibilités sont évoquées, notamment en s’inspirant de la gestion de la crise chez nos voisins européens. L'analyste Bruno de la Rochebrochard, du courtier Bryan Garnier, soutient un rapprochement entre établissements géographiquement proches pour mutualiser les coûts : centre hospitalier, maison de retraite, résidence seniors, clinique de soins de suite… Tous doivent pouvoir travailler ensemble. Il soulève également la faible médicalisation de ces établissements en France : “en Italie, une médicalisation plus importante des EHPAD a permis malgré tout de limiter le nombre de décès : on était capable d'assurer un minimum de services respiratoires pour les patients âgés”. Pour lui “le retard dans la définition de stratégies numériques” est également criant.  

Pour Xerfi, la relance du projet de création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à l'autonomie est signe d'une volonté de transformation très encourageante. À l’Assemblée Nationale, les députés ont en effet voté le principe de la création d'une cinquième branche mi-juin. Selon eux, “les pouvoirs publics doivent demeurer animés par ce sentiment d'urgence” et anticiper certaines mesures attendues dans le cadre d'une future loi Grand âge et autonomie.

 

Claire Blehaut

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Source : 

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/a...

https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/geriatrie/quand-les-mesu...

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/05/08/coronavirus-les-...

https://www.msf.fr/actualites/coronavirus-en-ehpad-des-nos-premieres-vis...