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L’Île de France : un désert médical insoupçonné

Postée le 07/01/2020

Alors que Paris fait figure de pôle d’attractivité, une situation paradoxale s’est installée dans les communes qui l’entourent. Nombre d’entre elles manquent de médecins, bien qu’elles soient situées dans la région la plus riche et peuplée du pays. Cette tendance risque de s’accentuer dans les prochaines années.

Hors de Paris, point de salut

Didier Jaffre, directeur de l’offre de soins à l’Agence régionale de santé (ARS), annonce des chiffres impressionnants : 4,4 millions de Franciliens « n’ont pas accès à un généraliste comme ils le devraient », soit 37 % de la population. Pour lui, si en termes de quantité la région est « l’endroit où vous avez le plus de médecins », une fois que l’on compare cela aux chiffres de la population, l’Île-de-France devient « le premier désert médical français ».

Dans les 10 dernières années, l’Île-de-France a vu partir 2 000 médecins généralistes. M. Jaffre précise que le phénomène « concerne toutes les professions de santé, infirmiers, aides-soignants, manipulateurs radio… ». Certains, peuvent trouver des places dans des centres de santés, comme Delloula, 66 ans, qui vit dans une cité de Seine-Saint-Denis. Avant cela, cette femme souffrant de problèmes cardiaques et devant régulièrement consulter, devait aller aux urgences, même pour une banale consultation, et y passer la journée.

Pour Bruno Silberman, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS), il y a urgence :  48 % des médecins libéraux franciliens ont plus de 60 ans, ce sont donc « la moitié des généralistes qui vont partir dans les 5 ans ». Alexandre Grenier, directeur général de l’URPS, abonde dans ce sens. Selon lui, « un médecin traitant a en moyenne entre 1 500 et 2 000 patients en Île-de-France. [...] Quand il part à la retraite sans trouver de successeur, on a ce nombre de personnes qui cherchent un nouveau médecin, dont entre 30 et 40 % de patients dits complexes, avec des pathologies chroniques ».

 

Gestion de crise en Seine-Saint-Denis

La Seine-Saint-Denis est  premier département concerné avec 95 % du territoire « en tension », et la situation ne date pas d’hier. Dès 2011, des médecins ont créé un centre de santé associatif, la « Place Santé » à Saint-Denis, aux pieds d’une des grandes tours du Franc-Moisin. L’idée était de « répondre aux besoins de santé du quartier et créer une structure qui puisse attirer des médecins généralistes. Ça a marché, ceux qui étaient là au début sont presque tous restés », précise Anne-Gaëlle Provost.

Elle constate cependant que la situation s’aggrave : « il y avait d’autres cabinets sur le quartier qui petit à petit se vident : sur les six médecins généralistes, deux sont partis et n’ont pas été remplacés, d’autres sont en burn-out ». Pour elle, les spécialistes, kinés, orthophonistes, manquent également et il ne se passe pas une journée sans avoir à gérer la pénurie. 

 

Lutter par des mesures concrètes

Les conditions d’exercice parfois difficiles expliquent en partie cette situation. L’activité en Île-de-France est intense, dans une région fortement peuplée, et certains patients sont en situation de grande précarité. 

De plus, la vie en en Île-de-France est onéreuse et complexe : le prix du logement et les transports longs poussent certains soignants à partir. Le coût du foncier est également un problème spécifique à cette région. Par exemple, une équipe de jeunes médecins a souhaité s’implanter à Saint-Ouen, mais le bâtiment coûtait 550 000 euros, avec 800 000 euros de travaux.

Des initiatives sont soutenues à l’échelle nationale, par le syndicat, l’ARS et les collectivités qui investissent dans l’immobilier : 85 projets ont été soutenus ces deux dernières années, pour 15 millions d’euros. Mais selon Bruno Silberman « pour relever le défi il faudrait presque qu’on soit à l’inauguration d’une maison médicale par semaine ». De plus même avec ces locaux, attirer des médecins peut s’avérer difficile : à Ablis, dans le sud des Yvelines, le maire cherche « depuis un an » un praticien.

Didier Jaffre, est conscient des enjeux : « Il faut un véritable plan Marshall [et] rendre attractif nos professions de santé en Île-de-France ». Dans les mesures à l’étude entre l’ARS et le conseil régional, il est possible d’ajuster les salaires : « il faut qu’on reconnaisse, dans les rémunérations, la spécificité des professionnels de santé franciliens », explique M. Jaffre.

 

Claire Blehaut

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Source https://www.weka.fr/actualite/sante/article/comment-l-ile-de-france-est-...