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Anticiper la menace de pénurie médicamenteuse en anesthésie-réanimation et chirurgie

Postée le 15/09/2020

La déprogrammation d’interventions chirurgicales durant le pic d’épidémie de Covid-19 associée aux mesures sanitaires, est source d’un engorgement des tableaux opératoires et rend difficile la reprise d’une activité normale. La pandémie a aussi mis en lumière un autre problème préoccupant : en plus de la pénurie de matériel (blouse, masque, ventilateur, consommable, etc.), de nombreux centres chirurgicaux et services de réanimation, publics et privés, ont été confrontés à la non-disponibilité de médicaments communs aux réanimateurs, anesthésistes et chirurgiens comme les anesthésiques, les analgésiques (opiacés, etc.) et les myorelaxants (curares, etc.). Ces ruptures d’approvisionnement ont parfois imposé le transfert de patients en état critique et perturbé l’organisation des services et des plannings opératoires. Des études internationales ont montré qu’une pénurie de médicaments d’anesthésie-réanimation induisait une surmortalité et des complications infectieuses (hépatites liées à l’utilisation en multiponction de flacons à usage unique, dérèglement de la durée du bloc neuromusculaire lié à un produit de substitution, etc.) [1].

Accentuée lors de la pandémie, la pénurie de médicaments essentiels à l’acte chirurgical et à la réanimation n’est toutefois pas un fait nouveau, avertissent l’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de chirurgie. De nombreux rapports en ont souligné les causes industrielles, économiques, administratives, environnementales et commerciales, et ont fait des propositions. Ces dernières supposent une concertation entre industriels, autorités réglementaires, distributeurs hospitaliers ou officinaux ; une harmonisation des formules pharmaceutiques ; la recherche de sources alternatives ; et surtout la relocalisation nationale ou européenne des sites de production des produits actifs ou finis. Mais certaines de ces recommandations ne sauront être suivies d’effet avant plusieurs années.

Compte tenu de la gravité que représente pour les chirurgiens, les anesthésistes-réanimateurs et leurs patients la menace d’une nouvelle pénurie médicamenteuse, les deux académies recommandent, dans l’hypothèse d’une deuxième vague de Covid-19, d’anticiper une rupture d’approvisionnement en ces molécules essentielles. Leurs préconisations tiennent en six points :

  • dans un premier temps, tous les services de chirurgie et de réanimation doivent évaluer leurs besoins en médicaments indispensables à l’activité en utilisant les sites informatiques à leur disposition ;
  • des stocks de ces médicaments devraient être constitués au niveau national, ou mieux, régional, afin de faciliter l’approvisionnement local ;
  • une politique européenne « structurante et efficace » devrait être préparée pour la production et le stockage des produits stratégiques ;
  • dans ce cadre, les fabricants et façonniers français susceptibles d’assurer la production et le conditionnement des principes actifs et finis devrait être recensés, en coordination avec les industriels concernés ;
  • une politique stratégique d’investissement doit être développée pour permettre dès que possible les productions nécessaires « afin de réduire la dépendance de notre pays vis-à-vis d’industries étrangères », et la même démarche doit être menée au niveau européen ;
  • Enfin, les académies demandent que les contraintes administratives empêchant la mise en œuvre des commandes pharmaceutiques soient levées afin d’assurer la fluidité de la filière entre utilisateurs et fournisseurs.

 

Catherine Boisaubert

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Référence

[1] Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de chirurgie : « Covid-19 : pénurie médicamenteuse et chirurgie. Anticiper la menace ». 6 juillet 2020. http://www.academie-medecine.fr/communique-de-lacademie-nationale-de-med....